Nous poursuivons notre série de portraits avec Amine El Bouaichi, notre représentant espagnol dans l’Académie!

Amine a 29 ans et il vit à Séville. Son quotidien est partagé entre son travail à la Commission espagnole pour l’aide aux réfugiés, et ses recherches pour sa thèse de doctorat sur la politique extérieure de l’Union Européenne. Cet intérêt marqué pour les relations internationales et les politiques de voisinage, il le doit à son enfance passée entre l’Espagne et le Maroc, le pays de ses parents et de sa famille. Grandir en étant baigné par deux cultures, deux langues, l’a poussé à apprendre le français et l’anglais, à voyager, à étudier à l’étranger, et à vivre, aujourd'hui, cette identité plurielle. Mais pendant cette enfance, Amine a aussi été le témoin des difficultés rencontrées par ses parents, en tant qu’immigrés. L'obstacle de la langue, l’absence de cercle social, l'incompréhension des démarches administratives, l’ignorance de leurs droits… Cette expérience, familiale, a profondément marqué Amine. Aujourd’hui à travers le poste qu’il occupe, mais aussi, et surtout, à travers le projet qu’il porte, il souhaite faciliter l’intégration des immigrés en Espagne, et rendre cette expérience la plus douce possible. Cours de langues, rencontres avec les locaux, ateliers interculturels… c’est à travers les échanges et le partage, qu’Amine souhaite réinventer les perceptions, mettre à mal les préjugés et redonner aux personnes issues de l’immigration, leur dignité. Porté par le sentiment d’être avant tout, méditerranéen, Amine a rejoint l’Académie pour prendre part à cette communauté d’individus qui réécrivent l’histoire de la région. Rencontre.
ATM: Bonjour Amine, merci de nous accorder cet entretien ! Pour les personnes qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu te présenter toi et ton projet ?
Alors, moi c’est Amine El Bouaichi, j’ai 29 ans, et j’habite à Séville où je fais mes études. Depuis deux ans et demi je poursuis un doctorat qui porte sur la politique de voisinage de l’Europe vis-à-vis des pays du Sud et extra européens comme la Turquie. Cette thèse intervient après une licence et un master en Relations Internationales que j’ai réalisé entre la France et l’Espagne. Depuis mon adolescence, j’étais attiré par les différentes cultures, les langues, l’histoire…Je parle le darija, l’espagnol, le français et l’anglais. Ajoute à ça, mes différentes expériences à l’étranger, mon choix de formation était tout trouvé! Ce doctorat, je l’ai entamé sur les conseils de mes professeurs et dans l’optique de devenir enseignant par la suite. Mais en parallèle de ça, je travaille depuis trois ans à la Commission espagnole pour l’aide aux réfugiés. Là-bas nous recevons un public majoritairement issu d’Afrique Subsaharienne, mais qui vient aussi du Maghreb et du Moyen-Orient, et nous les aidons dans les démarches liées à leur arrivée. Nous assurons un accompagnement juridique, une aide dans les processus administratifs, ainsi que des ateliers culturels et linguistiques en plusieurs langues. Cette structure, soutenue par le Ministère espagnol chargé des migrations et de la sécurité sociale, offre une assistance aux réfugiés qui viennent s’installer ici. Elle s’assure que leurs droits sont respectés et que leur voix est entendue. Notre bureau, ici à Séville, a déjà accueilli plus de 7000 personnes.
“J’ai véritablement grandi entre les deux rives. Chaque été nous rendions visite à mes grands-parents au Maroc. De retour en Espagne, je parlais darija à la maison, espagnol, anglais et français!”
Je m’y plais beaucoup. On fait un travail qui bénéficie aux gens de manière immédiate. Et cela résonne énormément avec mon expérience personnelle et mon envie d’aider les autres. Depuis toujours, je souhaite faire quelque chose pour la communauté, et en particulier pour les personnes issues de l’immigration. Je suis d’origine marocaine, mes parents sont arrivés en Espagne dans les années 80 de manière légale. Je les ai vu surmonter avec peine les obstacles administratifs, linguistiques et culturels qu’une immigration implique: ne pas connaître la langue, se retrouver seul, avoir des difficultés à se créer un nouveau cercle social, ne pas connaître ses droits. C’est pour cela que j’aimerais faciliter ce processus pour ceux qui se trouvent aujourd’hui dans cette même situation. Cela pourrait passer par des cours d’espagnol, des ateliers interculturels, un lieu où ils pourraient venir trouver des réponses à leurs questions, et où ils se sentiraient soutenus et accompagnés. L’idée c’est vraiment d’améliorer leur expérience d’immigration.
“Je souhaite apporter ma pierre à l’édifice et soutenir les personnes issues de l’immigration lors de leur arrivée en Espagne mais aussi et surtout, dans leur intégration dans la société. J’ai vu mes parents s’en sentir exclu, et c’est un sentiment que je ne souhaite à personne”.
La différence majeure entre mon projet et le travail de la Commission Européenne pour l’aide aux réfugiés sera son caractère non lucratif. J’ai envie de créer une association dans laquelle des bénévoles interviendraient.

ATM: Parle-moi maintenant de ce que le programme de l’Académie a pu t'apporter? Avec quels impacts pour ton projet?
Je suis arrivée dans le programme avec une idée générale de mon projet, mais grâce aux encadrants, j’en ai aujourd’hui une vision bien plus précise. Martin Serralta que l’on a rencontré à Marseille m’a vraiment poussé dans la définition de mon projet et de mes intentions. Yassine, le coach de Minassa, est allé dans le même sens et m’a conseillé d’être encore plus précis dans mes ambitions.
“Mon idée de projet a beaucoup évolué depuis le lancement du programme. Aujourd’hui j’ai un projet beaucoup plus clair qui ne demande plus qu’à être mis en pratique.”
Dans mon association, les bénévoles et moi ferons de l'intégration linguistique en priorité avec des cours d’espagnol trois par semaine. Nous organiserons également des rencontres interculturelles avec les populations locales pour favoriser le rapprochement entre les locaux et les nouveaux arrivants. Car l’enjeu principal c’est l’intégration, et pour cela il faut que les deux parties-prenantes y soient ouvertes. On doit favoriser la rencontre entre des populations qui ne sont jamais rencontrées, qui ont des préjugés les uns sur les autres. Avec mon association, je veux créer des opportunités de rencontres et de partage, avec des ateliers cuisine par exemple! Et puis, en complément, il y aura bien sûr une aide administrative pour inscrire les enfants à l’école, recevoir des aides, etc…
“Malgré nos différences, nos origines, la couleur de notre peau, nous sommes tous des être humains. Avec mon association, nous allons favoriser les rencontres, c’est seulement ainsi qu’on abolira les préjugés.”
ATM: Dis-moi ce qui t’a poussé à postuler à l’Académie ?
Je dirais d’abord que je me suis retrouvée dans les valeurs du programme. Célébrer la Méditerranée comme il le fait, c’est reconnaître que les gens d’Afrique du Nord sont méditerranéens, les gens d’Europe du Sud sont méditerranéens, qu’en Espagne on est méditerranéens… C’est l'ambition de mon projet, et ma conviction personnelle. L’Académie rend hommage à la région, et met à mal les idées-reçues et les stéréotypes dont souffrent les migrants. Il est temps de leur redonner dignité. Les migrants apportent énormément à la société, du point de vue économique par leur savoir faire, comme du point de vue social avec leur expérience personnelle.
“Il est temps que la solidarité internationale soit économique, politique et sociale.”
L’Académie c’est aussi un signal fort de la part de la France et de l’AFD. Elles affirment à travers ce programme leur engagement pour la région, mais aussi pour la coexistence et la cohabitation entre les populations des deux rives.
ATM: L’Académie c’est aussi une cohorte à l’effectif réduit que tu as rencontrée à Marseille lors de la retraite de Marseille. Tu peux me parler de ce groupe?
La retraite de Marseille a été une expérience très riche. Les différents projets de chacun se font écho, et se complètent. Et ce, même s’ils évoluent dans des domaines, a priori, très éloignés. On s’est véritablement retrouvés entre méditerranéens qui essaient de changer la réalité méditerranéenne et de surmonter ses défis.
La retraite a matérialisé cette ambition de réunir plusieurs cultures, d’abolir les frontières géographiques, et sociales. C’était génial de pouvoir travailler tous ensemble pour améliorer cet espace commun qu’est la Méditerranée. J’ai hâte de voir la suite.
“Je suis arabe, espagnol et africain, européen… et méditerranéen.”
Merci beaucoup Amine de nous avoir accordé cet entretien et de nous avoir présenter ton projet et ta vision de la Méditerranée!

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